vendredi 10 avril 2009


Sarkozy, la grève et la manifestation

Il y a un an, le débat tournait autour de la question : une grève doit-elle être visible? Il faut dire que Sarkozy n'avait pu s'empêcher de déclarer devant ses troupes U.M.P. : «Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit!» L'assistance toute acquise avait ri et applaudi, esbaudie par tant de forfanterie.
Un an plus tard, il apparaît que le président adopte profil bas et qu'il est bien en retrait sur ces propos. Pourtant, lui et sa majorité auront tout fait pour rendre les arrêts de travail improbables en multipliant les tracasseries pour les organisateurs de mouvements syndicaux. Il faut notamment se déclarer gréviste plusieurs jours à l'avance. Une grève spontanée serait donc illégale. De même, certains tribunaux furent sommés de décider si une grève était conforme à la loi ou pas. Sans oublier les médias noyés de déclarations péremptoires qui mettaient en évidence le fait que les Français étaient pris en otage par les grévistes. Diviser pour régner...
Une grève qui ne dérange personne et bien évidemment l'idéal à atteindre pour un tel gouvernement qui essaye de mettre en place les services minimum qu'en d'autres temps on aurait appelé jaunes ou briseurs de grève. La grève a lieu, donc nous sommes en démocratie. Elle ne gêne personne à part les grévistes qui perdent tout ou partie de leurs salaires, donc nous sommes dans une Etat civilisé et bien géré. Le problème vient de ce qu'à l'origine, la grève est un moyen de pression sur le patron pour obtenir ce qu'il ne veut céder par temps calme. Quel est le moyen de pression si le calme règne de toute façon? Une grève qui ne gêne personne, c'est un médicament dont on a enlevé le principe actif. Si le personnel politique, si même certains syndicats espèrent en l'effet placebo de la grève, les grévistes n'y croient pas du tout.
Aujourd'hui, en Guadeloupe et en Martinique, la grève est générale. Plus question de se ravitailler en essence, quasiment plus rien dans les magasins. Le plus aveugle des citoyens, le touriste le plus apolitique s'aperçoit bien qu'il se passe quelque chose. Par ailleurs, on a beau multiplier les exergues pour que la population prenne en grippe les grévistes, les derniers sondages montrent clairement qu'on n'y a très peu réussi. C'est aussi ce qu'on a pu vérifier aux Antilles. Les Guadeloupéens et Martiniquais, pourtant fortement perturbés et pénalisés, ont pris parti pour le mouvement radical. Ils ont bien conscience que les militants se battent aussi pour eux.
Mais on a oublié pourquoi Sarkozy en était venu l'an dernier à cette affirmation. La phrase précédente était : «La France change; elle change bien plus vite qu'on ne le croie. Désormais, quand il y a une grève...» Oui, mon vieux, la France change bien plus vite que tu ne le crois : désormais, quand il y a une grève en France, personne ne fait plus le bravache. Il l'a bien compris, alors il change de tactique.
Maintenant quand Sarkozy and Co entendent parler d'une manifestation, ils disent que c'est normal que les gens manifestent leurs inquiétudes. Comme si cela n'avait aucun rapport avec leur politique. La manifestation, c'est alors une opération de magie. Les manifestants invoquent des divinités et lancent des slogans au ciel. Ils manifestent leurs inquiétudes. Donc rien à voir avec le gouvernement. D'ailleurs, Sarkozy lui-même y serait bien allé, mais malheureusement il n'a jamais d'inquiétudes. Donc pas de raison de manifester. On peut comprendre ceux qui ont des inquiétudes, mais il faut aussi comprendre ceux qui n'ont pas d'inquiétudes.
Si on manifeste contre la vie chère, il est tout aussi d'accord et il peut vous donner des tas d'exemples de personnes qui ne peuvent plus payer leurs loyers, qui n'ont même plus de quoi se nourrir. La vie chère devient alors un monstre aux yeux voraces qui en veut particulièrement aux petites gens.
On peut aussi protester contre le chômage. Sarkozy est contre également. Comme il est contre le cancer ou les inondations. Il ne voit toujours pas le rapport avec lui. Le chômage, cette bête immonde qu'il voudrait terrasser pour que le peuple lui élève des statues sur tout le continent.
Sarkozy se sent seulement concerné quand il y a trois otages à libérer en Colombie ou en Libye. Il y va avec son commando entraîner jour et nuit à veiller à sa sécurité.
Il avait fait toute sa campagne sur le pouvoir d'achat. Il en était devenu le grand prêtre. Avec une prière à répéter trois fois entre les repas : travailler plus pour gagner plus. Malheureusement, le dieu Pouvoir d'Achat semble sourd aux suppliques. Mais qu'est-ce qu'il y peut lui? Il a fait tout ce qui était en son pouvoir. A peine débarqué à l'Élysée, il a même doublé son propre salaire. Franchement, on ne peut pas lui reprocher de ne pas dépenser. Pour s'adresser à ce dieu mal entendant, il avait fait provisions suffisantes d'encens et sacrifié une partie de la population. Cela n'a pas suffit et, au contraire, est apparu une divinité très méchante et qu'on désigne en tremblant de tous ses membres sous le nom de Crise Mondiale. Mais précisément si la crise est mondiale, il faut croire que personne n'en est responsable dans ce monde. C'est une malédiction venue d'une autre planète et qui nous tombe dessus probablement pour le rémission de nos péchés.
Si un jour nous entrons dans un conflit armé, ce ne sera pas parce que la France qu'il dirige aura déclaré la guerre. Non, c'est que le vieux dieu Mars aura retrouvé une nouvelle jeunesse. Il y aura des manifestations contre la guerre et Sarkozy dira que les manifestants ont bien raison parce que «rien, vous m'entendez rien, rien n'est pire que la guerre avec son cortège funèbres de veuves et d'orphelins. Moi-même, je serais bien allé manifester contre la guerre, mais je dois à la même heure visiter deux usines d'armement et commander le premier assaut.»

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