jeudi 2 avril 2009


Explications de texte

Quand en Guadeloupe, le L.K.P. (un collectif qui regroupe 49 partis, syndicats, associations…) a permis, après un mois de grève générale et dans un soucis de ravitaillement de la population, la réouverture de quelques magasins d'alimentation et de certaines stations-service, le préfet, le visage rosi par l'émotion, a déclaré : «La vie reprend!». Pour un préfet de la République Française, la vie se réduit à trois caisses de supermarché et une pompe à essence. Pour lui auparavant, c'était donc la mort. Jamais les rues de Pointe-à-Pitre et de toutes les cités de l'île ne furent si pleines de vie, jamais on n'assista à autant de dialogues entre les habitants, à plus de solidarité et de détermination dans la lutte pour une vie meilleure, mais pour le préfet tout cela ne signifiait rien qu'un corps inerte. Il pourra dire ce qu'il veut désormais, il est évident qu'on ne parlera jamais le même langage, qu'on n'entendra jamais les mêmes mots. Eh oui, pour le plus haut représentant de l'État en Guadeloupe, vivre ce n'est pas respirer, aimer, lutter, donner ou recevoir. Ce ne sont pas les battements du cœur qui génèrent la vie, mais les allers-retours du tiroir-caisse.
Quand le leader du L.K.P., Élie Domota, déclare que les entrepreneurs qui refuseraient l'accord d'augmentation de 200 euros des bas salaires devraient «quitter la Guadeloupe» et qu'il ne «laisserait pas une bande de békés rétablir l'esclavage», il est inquiété par la justice pour incitation à la haine raciale. Les termes racisme et antisémitisme sont aujourd'hui utilisés pour détourner le débat des vraies réalités par des gens sans scrupules qui s'indignent et font des procès toutes les cinq minutes. L'idée est de semer la confusion, de se travestir en victime, de se dédouaner de ses propres positions douteuses. On a parfois l'impression d'entendre : «Si vous n'aimez pas les racistes, c'est que vous êtes racistes!» Je ne vois pas une seconde où peut se trouver le racisme dans la déclaration de Domota et comment on peut recevoir sans rire une telle plainte dans un tribunal. Ainsi aujourd'hui quelqu'un qui dit ne pas laisser rétablir l'esclavage est coupable de racisme! Il est vrai que certains békés ont expliqué que l'esclavage avait aussi de bons côtés.
Quand en 2007, Sarkozy lance à la foule des adorateurs de Le Pen : «La France, aime-la ou quitte-la!», a-t-on le souvenir qu'une action en justice pour racisme ait été menée contre le futur président? C'est la même phrase, mais d'un côté, il s'agit d'un responsable syndical qui demande que soient respectés des accords qui entraînent une amélioration de la vie quotidienne pour des milliers de gens et de l'autre côté un candidat à l'Élysée qui n'a qu'un plan pour chasser les étrangers.
Il semble donc qu'avec la Guadeloupe et la Martinique d'aujourd'hui, nos autorités ont de fortes divergences en ce qui concerne la langue. Le créole déjà nous donne une leçon avec notamment le mot pwofitasyon qui signifie à la fois profit et exploitation. On s'aperçoit vite que certains néologismes pour nous sont des mots utilisés par les Antillais depuis bien longtemps. Mais, même lorsque le français est utilisé comme langue véhiculaire, il y a une incompréhension souvent fondamentale. Les mêmes expressions ont des acceptions très différentes. Une grève générale à Fort-de-France comme à Point-à-Pitre n'a rien à voir avec les défilés sympathiques proposés par les syndicats métropolitains. De même les revendications locales sont à peu près illisibles pour beaucoup de nos élus, incompréhensibles et irréalistes pour nos ministres, inconcevables et aberrantes pour les patrons. C'est peut-être pour cela d'ailleurs que les Guadeloupéens et les Martiniquais ont obtenu que leurs exigences soient finalement prises en compte, à la grande stupeur d'un préfet qui avait repris un peu de vie et beaucoup de champagne.

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