dimanche 7 mars 2010

Eugen Relgis, né à Iasi


On se souvient avec quelle excitation une certaine presse avait découvert un "nid d'anarchistes" à l'Ateneu. Dans l'ignorance complète de ce qu'est le mouvement anarchiste, les "journalistes" faisaient l'amalgame avec les terroristes, les bolchéviques, les homosexuels, les drogués et les droguistes. Pourtant, il existe à Iasi un passé anarchiste et les jeunes d'aujourd'hui ne font que prolonger un mouvement déjà fort ancré dans la vie de la cité.
Né le 2 mars 1895 à Iasi, Eugen RELGIS (de son vrai nom Eugen SIEGLER WATCHEL) fut d'abord un passionné de poésie, qui publia, à partir de 1912, de nombreux recueils. Devenu sourd à la suite d’une maladie infantile, il fit de bonnes études et commença très tôt à écrire. En 1914, à Bucarest, il entreprend des études universitaires d'architecture, puis en 1916 dans la Faculté des lettres et de philosophie. Etudes qu'il devra interrompre avec l'entrée en guerre de la Roumanie. Marqué par le premier conflit mondial, il devient un ardent militant pacifiste. Il écrit plusieurs études sociales qui seront traduits dans de nombreuses langues. En 1920, il fonde la revue "Umanitatea" qui sera interdite par la censure. En 1922, ce polyglotte est nommé directeur de la Bibliothèque de la Société culturelle "Libertatea" où il rencontrera l'anarchiste Panait Mosoiu. En 1923, il crée le "premier groupe humanitariste". En 1925, il est membre de l'Internationale des Résistants à la Guerre "War Resisters International". En 1939, au moment de la déclaration de la guerre, il se trouvait à Paris où il préparait sous le titre Miron le sourd une édition française de son ouvrage Voix en sourdine (1927) préfacé par Stefan Zweig. Il collaborait également aux Cahiers de l'Artistocratie de Gérard de Lacaze-Duthiers. Malgré l’avis de ses amis, il retournait en Roumanie où il était imédiatement chassé de son domicile par les fascistes. Pendant toute la durée de la guerre, il parvint, grâce à de nombreux amis, à échapper aux rafles et à se cacher.
Persécuté par le régime fasciste puis par le communisme, il quitte clandestinement la Roumanie en 1947 pour l'Argentine (où son fils s'était réfugié en 1942), mais c'est en Uruguay qu'il trouvera finalement refuge avec sa compagne Ana Taubes. A Montevideo, il recommence à publier ses ouvrages en castillan, il collabore également à la presse uruguayenne et donne des conférences. Il fait partie d'un groupe avec Abraham Guillen, Gerard Gatti et d'autres, chargé de la préservation d'archives libertaires envoyées d'Europe, mais la police découvre l'endroit, donne l'assaut au local et vole tout ce qui s'y trouve. Eugen Relgis parvient pourtant, après maintes difficultés, à échapper à la police. En 1953 il voyage au Brésil et rencontre, à Rio de Janeiro, l'anarchiste José Oiticica dans le but de faire traduire ses oeuvres en portugais. En 1955, il sera proposé pour le Prix Nobel de la Paix, mais le prix ne fut pas décerné cette année-là. En 1962, il séjourna avec sa compagne quatre mois en Israël, avant de passer par la Suisse, l'Italie et l'Argentine.
Il est l'auteur de très nombreux ouvrages brochures et livres, presque une cinquantaine rien que dans sa période roumaine. Il mourut à Montevideo le 24 mai 1987. Une bonne partie de ses livres, conservés par ses deux soeurs, ont été déposés, à l'initiative de Leon Volovici, dans un «fond Relgis» à l'Institut Al. Philipide de Iasi.
Voici ce qu'écrit Eugen Relgis à propos de quelqu'un qui, comme moi, a lié dans sa vie l'Oise à la Moldavie :
"Un jeune autodidacte, Ion Ionesco Capatana, a été un zélé propagandiste de l'Espéranto, du végétarisme, du pacifisme, et de diverses tendances libertaires qu'il a exprimées dans sa revue Vegetarismul (Bucarest, 1932-1933), et dans une série de brochures. Il a quitté le pays vers 1935 et il a dirigé à Paris le Service de Presse en Esperanto durant la Guerre civile espagnole. En 1938, il s'est établi à Soutraine dans l'Oise, à la lisière d'une forêt (Le Bois de Solitude), dans un pavillon en bois où il aménagea une bonne bibliothèque et une petite imprimerie. Il y cultivait son jardin potager et imprimait lui-même des brochures et Les Cahiers de l'Artistocratie, en quatre langues : esperanto (Capatzana), français (G. de Lacaze-Duthiers), espagnol (B.Cano-Ruiz), roumain (Eugen Relgis). Il mourut en avril 1942 empoisonné par des champignons vénéneux cueillis dans la forêt voisine."
Je n'ai pas trouvé de documents roumains sur Eugen Relgis, mais il n'a pas été oublié par tout le monde. Dans une publication légionaire du 27 août 2008, voici ce qu'on peut lire : Après la première guerre mondiale, la culture roumaine devient virtuellement envahie par des élèments allogènes, au profit de cette cause anti-nationale qu'est le marxisme. Les idées bolchéviques, dites progressistes, sont reprises par une quantité de nullités (comme le dit Lucian Blaga), nouvelle avant-garde de gauche, isolée du peuple roumain, mais possédant tous les moyens d'expressions. Cette production littéraire sans valeur finit par causer le plus grand tort au niveau national par son contenu scabreux et injurieux, à un point désespérant et indigne, contre le peuple roumain qui lui assurait pourtant la liberté de s'exprimer. Dans cette clique de parias féroces à la pseudo-culture, on trouve les noms de Marcel Blecher, Eugen Relgis (Siegler), Tristan Tzara (Sami Rosenstein), Ilarie Voronca (Eduard Marcus) et beaucoup d'autres. On comprend alors combien Eugen Relgis devait être intéressant.

Aucun commentaire: