vendredi 17 juillet 2009

L'Ambassadeur (suite)


L'Ambassadeur doit faire un discours de temps en temps. Bien sûr, c’est pas lui qui l’écrit, mais il faut qu’il le prononce et c'est tout un travail :
Jamais le Lesotho et le Paraguay, qui marchent aujourd’hui main dans la main, ne se sont sentis plus proches. L’océan nous sépare, dit-on, mais je dis moi qu’il (il y a du vent ici) nous réunit. Le Paraguay a toujours soutenu l’aspiration lesothonienne au progrès sans lequel on ne saurait plus si l’histoire avance (il y a vraiment un putain de vent !) ou recule. Le Président du Paraguay me disait encore la semaine dernière dans l’ascenseur combien il se félicitait en général, mais aussi du développement économique du Lesotho, à travers lequel il voit une grande leçon pour tous les peuples qui n’y arrivent pas aussi bien. Nos deux pays sont aussi des exemples pour l’humanité en matière de paix : jamais l’un n’a prétendu envahir l’autre, aucune exigence territoriale… Entre nous, il n’y a guère que la paix, (vraiment pénible ce vent !) et des accords commerciaux. Depuis l’an dernier, nos exportations ont augmenté de 7,36%, alors que vos importations se sont accrues d’autant. A travers ma personne, le Paraguay salue fraternellement ses frères du Lesotho, pays de contraste et de vent, et devant tant d’enthousiasme, je reviendrai.
Parfois, le discours, ce n’est pas lui qui le prononce. Dans ce cas-là, il se fait représenter. Vous avez un type qui représente l’ambassadeur. C’est son métier. Il y en a qui sont représentants en aspirateurs, ben lui, il est représentant en ambassadeur.
- C’est vous l’Ambassadeur ?
- D’abord, on dit Son Excellence, et en plus, ce n’est pas moi. Je le représente.
- Mais si c’est pas lui, je ne peux pas dire Son Excellence.
- Oui, mais vous ne pouvez pas dire non plus ambassadeur, puisque ce n’est pas lui. Je le représente.
- Bon alors, si ce n’est pas lui, on peut pas dire l’ambassadeur, puisque ce n’est pas lui. Mais si c’est lui, on ne peut pas le dire non plus, il faut dire Son Excellence. En somme, on ne dit jamais Ambassadeur ?
- Si, on peut le dire, mais c’est une faute protocolaire. Bon, vous m’excuserez, mais il faut que j’aille représenter l’ambassadeur ailleurs.
- Ben, vous, vous l’avez dit : ambassadeur !
- C’est normal, moi, je le représente.
- Moi, je me le représentais plus grand.
- Ah, mais il est plus grand aussi, moi je le représente plus petit.
Enfin, vous voyez, c’est un métier comme ça, où il faut donner de sa personne, un métier qui demande beaucoup d’humilité, mais en se débrouillant bien, vous pouvez toujours trouver quelqu’un qui veut bien y aller à votre place. Alors, on annonce que le représentant de l’ambassadeur est représenté par le Premier Conseiller. Parce qu’il y a aussi le Premier Conseiller. Alors imaginez un peu. L’Ambassadeur n’a rien à faire à un point que ce n’est pas la peine qu’il soit là. La femme de l’Ambassadeur n’a rien à faire, en dehors de débloquer une roulette de piano, et encore c’est pas elle qui va le faire. Le représentant de l’ambassadeur, il représente bien, il mange trois petits fours, il tape la belote avec le chauffeur, ou il se tape la belette sur une chauffeuse, ou il se fait le chauffeur dans la chaufferie, mais enfin, c’est plutôt des vacances. Et puis, vous avez le Premier Conseiller, qui donne des conseils à l’Ambassadeur.
- Moi, je serais vous, qu’il lui dit comme ça, j’attendrais qu’il fasse plus frais pour aller jouer au golf. Et Son Excellence lui répond :
- De quoi s’agit-elle ? Je n’aime pas trop votre formule : « moi, je serais vous ». - Ah, mais c’est un conditionnel.
- J’ai toujours pensé qu’en paraguayen et en baragouinant, le conditionnel est trop proche du futur. Désormais, vous utiliserez l’irréel du passé. A moins que vous ne préfériez le réel du trépassé.
- J’eusse été Votre Excellence, j’eusse attendu qu’il fisse plus frais pour aller jouer au golf.
- Plus frais comme maintenant, par exemple ?
- Exactement, votre Exactitude.
- Eh bien alors, qu’est-ce qu’on attend ? Prévenez qu’on ferme le golf et qu’on élargisse les trous, nous arrivons.
Et l’ambassadeur s’en va jouer au golf avec son Premier Conseiller, pendant que sa femme continue à jouer à la roulette. Alors, me direz-vous, que fait le deuxième conseiller pendant ce temps-là ? Rien, puisqu’il n’y a plus personne à conseiller. Il donne gentiment quelques conseils au troisième conseiller, qui, en général, est un jeune qui sort de l’ENA, et qui n’ose pas trop prendre d’initiatives.
Bon, là, vous avez le fonctionnement normal d’une ambassade, mais imaginez qu’un jour, parmi tous ces gens, se glisse un fainéant !

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