vendredi 7 mai 2010

Tous des amateurs!


Un professionnel vit de son métier; un amateur ne gagne pas d'argent en le pratiquant. A partir de ce critère simple, nous pouvons analyser différentes professions. Ainsi il est certain que, de mon côté, j'ai été plus souvent amateur que professionnel. Mais je ne suis pas le seul. On peut compter sur les doigts d'une main les écrivains qui vivent réellement de leurs talents. On voit que même les agriculteurs désormais n'ont plus de revenus réels bien qu'ils travaillent parfois 12 heures par jour. Les agriculteurs aujourd'hui sont des amateurs. Les éleveurs, les pêcheurs et bien d'autres sont dans la même situation. On a proposé à des ouvriers des payes de 163 euros pour aller travailler en Tunisie. C'est un peu comme si on leur proposait des vacances subventionnées. Les jeunes, qui entrent sur le marché du travail, se voient offrir des stages le plus souvent non rémunérés : «Vous débutez les gars. Il faut savoir faire des concessions. C'est déjà une fleur que nous vous faisons en vous permettant de mettre un pied dans l'entreprise. En somme, vous commencez comme des amateurs et peut-être qu'un jour vous passerez pros!» Le patronat revendique une nouvelle idée : la mobilité. C'est à dire qu'un jour on est payé, un jour non. Un jour, il y a du travail, le lendemain il n'y en a plus. La mobilité, c'est le semi-professionnalisme. Dans l'Education Nationale, on demande aux retraités de revenir donner quelques cours pour éviter d'engager de nouveaux professeurs. Bien sûr, ils seront payés, mais toutes ces mesures vont dans le même sens : l'enseignement peut donc être confié à des personnes dont ce n'est plus le métier. Il existe en France un système qui permet de devenir auto-entrepreneur. C'est à dire qu'on devient son propre patron. Le gouvernement prétend que cette option se développe merveilleusement. Ce qu'il oublie de dire, c'est que la plupart du temps non seulement le «patron» ne gagne rien, mais il fait travailler aussi les amis et la famille pour des clopinettes. Bref, on vient d'inventer le patron amateur.
Il y a bien sûr des professions où l'on gagne bien sa vie. Un tennisman, un golfeur, un basketteur, un joueur de football peut se faire un million d'euros par mois. Là, pas de doute, c'est un joueur professionnel. Et puis, tous les spéculateurs, courtiers, opérateurs de marché (traders), tous ces petits métiers qui font travailler l'argent. Tous ceux qui s'enrichissent en dormant, comme disait Mitterrand. Les sommes versées nous donnent le tournis. Il y a tant de chiffres et de zéros que nous ne savons même plus ce que cela représente en réalité. On cherche de l'argent pour payer les retraites et on offre à un certain nombre de personnes (sur quels critère?) des salaires mirobolants sans qu'on exige même qu'ils viennent au bureau. Ainsi plusieurs hauts responsables d'entreprise ou d'administration se font payer de 57 ans à 60 ans leurs salaires intégralement et ils restent chez eux, en attendant la retraite confortable qui leur est promise. Tous ces exemples montrent bien qu'il n'y a plus aucun lien entre le métier et le salaire. Tout se passe comme si le travail était du virtuel. La Bourse montre l'exemple. Une action vaut 365 euros le premier janvier et 12,30 euros six mois plus tard. Pourtant l'entreprise est restée la même, les murs n'ont pas rétrécis, les employés travaillent au même rythme, la demande est constante. Alors? Tout est faux, variable, subjectif.
Il semble donc que l'on montre clairement aux jeunes d'aujourd'hui la voie à suivre : choisir un métier pour le plaisir, comme on choisit un hobby, un passe-temps. Et puis gagner sa vie par d'autres moyens. Néanmoins, le monde de la finance n'est pas ouvert à tous. C'est un monde où l'on reste volontiers entre initiés. Et puis, il faut une mise de base à la hauteur. Entre l'actionnaire principal et le petit porteur, il y a la même différence qu'entre le crocodile et le poulet. Pour être un pro du sport, il faut aussi un corps prédisposé à recevoir son lot de produits euphorisants. Je signale aussi que lorsqu'on évoque les prostitués, on parle de professionnelles; ce n'est pas un hasard et il s'agit là d'un vrai métier, le plus vieux du monde, dit-on. Alors, à ceux qui hésitent à se lancer dans le trafic de drogue parce qu'il faudra partager avec la police, il reste le loto, le tiercé et tous les jeux dont l'Etat fait la promotion avec ardeur et avec le sentiment qu'il faut bien donner une chance à la pauvreté. Pendant ce temps, les professionnels de la politique invitent les amateurs de la démocratie à voter. Mais les amateurs se lassent...

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