vendredi 5 juin 2009

Ateneu : que reste-t-il de nos amours ?


Voilà bientôt un an que j’ai quitté l’Ateneu -Tatarasi ; il est intéressant de voir ce qu’il s’y passe aujourd’hui. Pendant des années, la Municipalité de Iasi a exigé de moi des quantités de « projets managériaux », des dossiers à n’en plus finir. Les responsables culturels de la Mairie ont estimé à de nombreuses reprises que mon projet n’était pas à la hauteur de leurs ambitions. En partant, j’étais donc impatient de voir ce qu’ils entendaient faire de cette institution culturelle. Eh bien, c’est clair : leur seul projet managérial était de me faire partir de l’Ateneu. La preuve est faite aujourd’hui, devant le vide de leur inspiration, qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’on pourrait y faire.
Pourtant l’Ateneu était une bien belle idée et j’ai pendant six ans essayé de la mettre en œuvre. Nous avons prouvé avec une équipe réduite qu’on pouvait y gagner un public et une renommée en programmant des spectacles contemporains, en faisant connaître des auteurs d’aujourd’hui. L’Ateneu était devenu un lieu de rencontres, de débats, voire de controverses. La salle d’exposition était ouverte tous les mois à des artistes internationaux du plus haut niveau. En quelques années, l’Ateneu a suscité un immense espoir et un intérêt grandissant en Roumanie et à l’étranger. Que reste-t-il de tout cela ? OU EST DONC LEUR PROJET MANAGERIAL A EUX ?
Depuis près d’un an, aucun directeur n’a été nommé, alors que j’avais pourtant annoncé mon départ depuis juin 2007. Quand cet hiver, Ionut Popa, l’entraîneur de Poli Iasi a démissionné, deux heures après un successeur était choisi. Le football n’attend pas ; la culture peut patienter. Ainsi donc, pour une institution de culture, il faudrait plus d’un an pour désigner un directeur, alors qu’on m’a si souvent répété que je devais partir parce qu’on n’avait pas besoin d’un Français pour faire ce travail et que les candidats de qualité ne manquaient pas (ce que je crois d’ailleurs).
Cela démontre principalement le mépris. Mépris d’abord pour le quartier de Tatarasi, que nous avions animé et qui tenait avec l’Ateneu un centre actif, toujours ouvert et accueillant. Mépris pour les habitants de Iasi qui ont payé ce bâtiment moderne pour qu’il n’y se passe plus rien. Même les réparations les plus élémentaires ne sont pas effectuées. J’ai attiré l’attention dès 2006 sur les fissures et les problèmes de sécurité ; rien n’a été fait. Aujourd’hui même le budget 2009 n’est même pas voté. L’an dernier, le budget avait été voté en février et certains avaient attribué ce retard aux mauvaises relations que j’avais avec la mairie…
Mépris enfin pour la culture, considérée une fois de plus comme du superflu, de l’inutile. L’argent va à une équipe de football (qui végète année après année dans les profondeurs du classement) et la culture récupère des miettes, alors que dans le même temps, on décrète : « Iasi, capitale culturelle ». C’est aussi absurde que de déclarer : « Iasi, au bord de la mer » sous prétexte qu’y coule le Bahlui.
Je me souviens qu’il a fallu que j’aille en justice et que je gagne consécutivement trois procès, qu’il a fallu que des centaines d’intellectuels, d’hommes de culture, d’étudiants signent une lettre de soutien en ma faveur. Je me souviens que j’ai dû résister à je ne sais combien de pressions, de contrôles, de commissions. Je me souviens que je devais chaque jour, pour récupérer l’argent que j’avais avancé, faire une crise de nerfs face un comptable-fossile, survivance historique de la pire bureaucratie. Et tout cela, pour simplement pouvoir continuer à faire mon travail.
Il est clair que si la municipalité avait collaboré avec nous, au lieu de nous mettre en permanence des bâtons dans les roues au point d’arracher nos affiches, il est clair qu’aujourd’hui l’Ateneu serait un centre culturel connu et reconnu, une fierté de la ville.
Après avoir passé tant d’énergie pour chasser un homme passionné et désintéressé, un homme qui avait une vision à long terme et qui, malgré la mauvaise volonté et l’hostilité permanente, a réussi à démontrer que le pari de l’Ateneu-Tatarasi était tenu, on aurait pu penser que la mairie de Iasi mettrait un point d’honneur à démontrer qu’effectivement l’Ateneu avait besoin d’un autre directeur, d’un autre projet culturel. Non, englués dans leur médiocrité d’hommes d’affaires, le maire et ses acolytes ont démontré de manière évidente ce qu’ils entendaient par culture : le néant.
On me demande parfois pourquoi je ne reviens pas à Iasi (alors que je me suis rendu à Cluj notamment et dans le Maramures). Mais pourquoi faudrait-il que je pousse le masochisme jusqu’à venir pleurer sur des ruines ?

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