vendredi 8 mai 2009

La Moldavie bouge encore


Quand les images des événements récents de République Moldave ont fait irruption sur les écrans de télévision, nous avons pu penser que le processus démocratique allait faire son chemin. Le gouvernement local a tout fait pour briser cet élan. On ne sait aujourd'hui combien de morts et de blessés ont payé ces journées de protestations. Mais les témoignages sont nombreux et formels; la répression a été brutale.
«Les photographies transmises par le Maire de Chisinau montrent que les jeunes ont été torturés avec plus de bestialité que dans les pires périodes du Moyen-Age. Nous vous assurons que tous ces crimes commis contre son propre peuple par l'actuel gouvernement ne resteront pas impunis de par les tribunaux internationaux. J'espère, Madame l'ambassadeur, que vous condamnerez, vous aussi, cette forme de barbarie que nous ne croyions possible que dans les sociétés les plus primitives.» affirme Constantin Simirad, président de la Région de Iasi, dans une lettre ouverte à l'ambassade de la République Moldave en Roumanie.
Alors on se dit que les gouvernements occidentaux auront au moins autant de courage et de virulence pour dénoncer ce qu'il se passe à la frontière de l'Union Européenne. On attend encore. Les Sarkozy, Merkel et Berlusconi, si rapides en temps ordinaire à se mêler des affaires géorgiennes ou afghanes, sont restés de marbre. Pourtant ces protestations sont venues après des élections pour le moins frauduleuses (on aurait fait voter 163 000 morts). Mais seuls les Etats-Unis ont émis des doutes sur la régularité du scrutin. L'Europe n'a pas non plus entendu l'appel de la Roumanie qui demande une enquête internationale sur les événements. Voronin, le président moldave, a prévenu les Roumains qu'il accuse d'avoir fomenté la révolte : «Mêlez-vous de vos oignons!»
Românii să nu-şi bage nasul unde nu le fierbe oala!» Très en verve, puisqu'on a pu distinguer un sourcil vibrer sur ce faciès inamovible, le président a enchaîné avec un autre proverbe roumain : «Frate, frate, dar brânza este pe bani» Mot à mot : frère, frère, mais le fromage il faut bien le payer. Ce qui semble indiquer que dans son esprit, les problèmes économiques prennent le pas sur la fraternité. Il a ensuite déclaré l'ambassadeur roumain à Chisinau, persona non grata et il a insisté : la prochaine fois, la répression fera date.
Vasile Ernu, jeune auteur moldave établi en Roumanie, a parfaitement résumé la situation : «Les autorités européennes sont aussi cyniques que Voronin. Elles veulent le calme à la périphérie de l'Europe et donc elles ferment les yeux. Il n'y a pas de morale là où seul le profit compte.»
Vasile Garnet, directeur de la revue Contrafort, a le même sentiment : «La réaction de l'Occident a été lâche, superficielle, démontrant une fois de plus une myopie politique, et surtout le cynisme des institutions européennes, qui considèrent la République Moldave comme une zone-tampon sous l'influence de la Russie, où il n'est pas bon d'intervenir.»
On peut alors se demander à quoi sert pour la Roumanie d'avoir adhéré à cette Union soit disant Européenne. Quand un pays membre se voit fermer sa frontière (qui est aussi la frontière de l'Europe des 27!), il était légitime de se dire que Sarkozy, Kouchner and co se retrouveraient immédiatement sur le Prut, rivière-frontière, pour faire un seating et proférer des paroles nobles, dignes et définitives. Mais non, rien de tout cela. Il existe pourtant des traités d'assistance, des textes et des décrets, des déclarations de solidarité, des serments de Strasbourg. Tout cela concocté par des experts en démocratie, des spécialistes en élections libres, des docteurs anti-répression et anti-dépression. Il faut croire que ce n'est pas assez.
En France, on a pu voir quelques images de Chisinau en lutte le 7 avril en fin de journaux télévisés; il faut dire que c'est le jour où l'on a appris le nom du chien des filles de Barak Obama. Les médias avaient la tête ailleurs. Du reste, la dernière fois que j'ai entendu parler de la République Moldave aux informations, c'est lorsqu'une commission sur l'état des prisons en France a donné ses conclusions :«La situation des établissements pénitentiaires en France est la pire de tous les pays européens à l'exception de la République Moldave.» Au moins, cela fixait les idées, donnaient une référence claire. Et nous pensons beaucoup aux 800 jeunes qui sont passés par ces geôles moldaves.

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